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Assemblée générale du CNAC (2023)

PIBD 1219-IV-3
Par Stéphanie Leguay, coordinatrice du Comité national anti-contrefaçon
Texte

Par Stéphanie Leguay, coordinatrice du Comité national anti-contrefaçon

Le 8 décembre 2023 a eu lieu l’assemblée générale du Comité national anti-contrefaçon (CNAC), présidée par le député Christophe Blanchet, en compagnie de Pascal Faure, directeur général de l’INPI et secrétaire général du CNAC.

Christophe Blanchet a accueilli les participants en indiquant qu’il souhaitait que cette assemblée générale soit un lieu d’interactions et de propositions.

Pascal Faure a rappelé qu’il restait beaucoup à faire en matière de lutte anti-contrefaçon, et indiqué qu’« il nous faut être le mieux éclairés possible pour prendre des décisions et suivre dans le temps les évolutions ».

Pour le groupe de travail « Cyber contrefaçon », Elsa Verbrugghe, chargée de mission à la DGE, est revenue sur la mise en place cette année d’un groupe de travail avec les plateformes de vente en ligne.  Trois réunions ont eu lieu avec trois objectifs :

  1. mieux détecter les contrefaçons grâce à l’IA ;
  2. simplifier la procédure de signalement des contenus ;
  3. renforcer le traitement de la récidive et des récidivistes.

1. Des discussions ont lieu, notamment, sur la pertinence de la création d’une banque d’images de contrefaçon pour que les plateformes puissent utiliser leurs outils d’IA de reconnaissance et que les annonces utilisant ces photos ne soient pas mises en ligne et soient retirées plus facilement.

2. La simplification de la procédure de signalement des contrefaçons est un thème cher au président du CNAC. Les formulaires de signalement sont différents selon les plateformes. Le temps moyen pour signaler une contrefaçon est de trente minutes, alors que des millions d’annonces doivent être retirées tous les mois. Une demande va être adressée aux plateformes en vue de faire remonter les éléments nécessaires pour traiter une notification. De plus, il a été proposé que certains titulaires de droits puissent enregistrer dans un compte, sur la plateforme, la preuve de leurs droits de PI et ainsi effectuer un signalement plus rapidement. Pour aller plus loin et s’inscrire dans le règlement sur les services numériques (Digital Services Act (DSA)), ce système pourrait permettre de considérer que les titulaires qui sont déjà inscrits bénéficient du statut de signaleurs de confiance (art 14 DSA).

3. Sur la récidive : l’article 23 du DSA prévoit uniquement un mécanisme de suspension des comptes qui fournissent fréquemment des contenus manifestement illicites. L’appréciation est à la discrétion de la plateforme, ainsi que le délai de suspension. Les délais de traitement des demandes de retrait ne sont pas forcément raisonnables (jusqu’à un mois). Aucun mécanisme de bannissement définitif n’est prévu.

Pour une meilleure lutte contre les récidivistes, les membres du groupe de travail estiment que la vérification de l’identité des vendeurs est essentielle.

C’est important notamment pour les médicaments, afin que toute personne dûment autorisée à vendre des médicaments puisse le faire sur les plateformes de vente en ligne. Il existe d’ailleurs des listes de personnes autorisées. Les industries du médicament, qui invitent fortement les plateformes à se référer à ces listes, ont demandé que, pour ce type de produits, les sanctions de la récidive soient immédiates et beaucoup plus sévères que pour les autres produits.

Les réunions de ce groupe de travail ont permis de réunir des titulaires de droit dans tous les domaines (luxe, pharmacie, artisanat, habillement), ainsi que des plateformes internationales et françaises.

À propos du groupe « Coopération internationale », Stéphanie Leguay, coordinatrice du CNAC, a d’abord rappelé que son dynamisme tient à l’implication du réseau des conseillers internationaux de l’INPI. Trois exemples ont été donnés :

Mexique

Une réunion de travail s’est tenue à l’ambassade de France de Mexico, le 16 février 2023, autour de la Task force informelle sur la protection de la propriété intellectuelle et la lutte anti-contrefaçon, avec l’objectif affiché de réactiver les discussions au sein de celle-ci pour :

  • mesurer l’état de la lutte anti-contrefaçon au Mexique ;
  • connaître les difficultés rencontrées et les axes d'amélioration ;
  • proposer des actions pour la protection de la propriété intellectuelle des entreprises françaises au Mexique ;
  • trouver des synergies pour réaliser des projets concrets.

En présence de représentants du Service économique régional, du Service de sécurité intérieure, de Business France et de l’Ambassade de France du Mexique, plusieurs entreprises des domaines du luxe, de la pharmacie, mais également des biens de consommation courante (cosmétiques par exemple), ou encore du domaine automobile sont venues échanger.

Ces échanges ont fait ressortir la nécessité de travailler ensemble, dans un premier temps, afin de mettre en place, dans les mois à venir, une action de sensibilisation des consommateurs mexicains sur les dangers en matière de santé et de sécurité. Le sujet a été évoqué avec l’Office de PI du Mexique qui souhaite y participer. D’autres autorités mexicaines et associations locales du secteur privé seront contactées dans un deuxième temps.  

Chine

La trente-quatrième commission mixte entre l’INPI et l’Administration nationale chinoise de la propriété intellectuelle (CNIPA) a été organisée à Paris mercredi 12 juillet 20231. Cette rencontre visait à réunir les acteurs clés engagés dans la lutte contre la contrefaçon en France, en particulier le président du CNAC. La CNIPA n’ayant pas de compétence en matière de lutte anti-contrefaçon, c‘est la State Administration of Market Regulation (SAMR) qui suit ce sujet. En Chine, les sujets de la PI et de la lutte anti-contrefaçon sont complètement déconnectés. Il apparaît donc important, dès que possible, d’insérer le thème de la lutte contre la contrefaçon dans les actions de coopération internationale que l’INPI met en œuvre avec la Chine.

Côte d’Ivoire

Le 12 octobre dernier a eu lieu à Abidjan la Commission mixte entre le CNAC et le Comité national de lutte contre la contrefaçon de Côte d’Ivoire (CNLC), avec la signature d’un programme de travail qui vise à améliorer les échanges d’informations, à structurer les programmes de formation, et à promouvoir la mise en place de comités similaires dans d’autres pays de la zone.

En 2024, il est prévu de continuer de travailler avec d’autres comités anti-contrefaçon et de signer une convention avec les CCE (conseillers du Commerce extérieur de la France)2. Son objectif est de renforcer la collaboration des deux réseaux en France et à l’étranger dès lors qu’il y a d’évidentes synergies entre les missions d’accompagnement des entreprises des deux entités.

Pour le groupe de travail « Sensibilisation et communication », Delphine Sarfati, directrice générale du l’UNIFAB, est revenue sur les événements auxquels le CNAC a été associé :

  • le « Forum de la propriété intellectuelle » a réuni quatre cents personnes pendant un jour et demi. Le thème de l’impact de la contrefaçon sur l’environnement, ainsi que le sujet de l’influence ont été, notamment, évoqués ;
  • l’édition française de la « Journée mondiale anti-contrefaçon » en juin 2023 a porté sur le thème de « L’influence pour lutter contre la contrefaçon » ;
  • l’opération de sensibilisation annuelle a été un très grand succès : 46,6 millions de personnes ont été sensibilisées de manière directe ou indirecte. Cette campagne a été reprise pour le Blackfriday, notamment aux journaux télévisés de 20 heures ;
  • la charte de l’authentique a été signée avec le président de l’Association des maires de France sous le patronage du président du CNAC.

Valérie Hochet, directrice de la communication de l’INPI, est revenue sur les actions de sensibilisations mises en place pour les PME :

  • la newsletter « Coaching INPI : contrefaçon prévenir et agir » informe notamment sur la protection lors d’une exposition sur un salon ;
  • la présentation d’une nouvelle infographie visible sur inpi.fr fut faite : « Se prémunir contre les contrefacteurs - 8 bonnes pratiques pour se prémunir de la contrefaçon ! » ;
  • un webinaire fut organisé en octobre sur le thème : « Face à la contrefaçon comment se prémunir et protéger son chiffre d’affaires », avec une intervention des douanes et de la société Madbox (disponible en replay) ;
  • sur le salon « Vivatech », l’atelier sur le thème de la contrefaçon est dans le top 3 des ateliers les plus suivis.

Suite au rapport de suivi, publié le 9 novembre 2023, du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 3650) du 9 décembre 2020 sur l’évaluation de la lutte contre la contrefaçon3, dont Christophe Blanchet est un l’un des rapporteurs, une réunion du groupe de travail « Communication » aura lieu au premier trimestre 2024. 

La mise en place d’une campagne de sensibilisation avant ou après les Jeux olympiques est en cours de réflexion.

Pour le groupe « Aspects législatifs », Stéphanie Leguay a rappelé quelques textes déposés ou votés cette année auxquels les membres du CNAC ont contribué. L’année 2023 a en effet été très riche sur le plan législatif, notamment :

  • la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Ce texte intéresse énormément d’autres pays européens ;
  • la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces4, avec, notamment, la création de la réserve opérationnelle douanière ;
  • le dépôt d’une proposition de loi en juillet 2023, portée notamment par Christophe Blanchet, visant à harmoniser les prérogatives des officiers de police judiciaire avec celles des agents des douanes ;
  • le dépôt d’une proposition de loi en septembre 2023, portée par Christophe Blanchet, prévoyant l’instauration, au moyen d’un numéro d’identification, d’une traçabilité du tabac transformé importé en France ou en transit par la France.

Le CNAC espère qu’en 2024 les sénateurs se saisiront de la proposition de loi visant à moderniser la lutte contre la contrefaçon qui est toujours en attente d’examen au Sénat5.

La deuxième partie de la réunion a été dédiée à la présentation des premiers travaux réalisés dans le cadre du dispositif « France anti-contrefaçon » piloté par l’INPI6.

François-Xavier de Beaufort, directeur de l’Action économique de l’INPI, a rappelé en quoi consiste ce dispositif, avant de donner la parole à ses quatre partenaires :

Lionel Vignaud, directeur des Affaires économiques, juridiques et fiscales de la CPME, a présenté les résultats de l’enquête réalisée à la demande de l’INPI et de la CPME sur les PME et la contrefaçon d’où il résulte que seules 30 % des PME font des démarches pour protéger leurs actifs immatériels, dont 18 % de façon irrégulière, ce qui signifie que 70 % ne s’en préoccupent pas7.

À la suite de cette présentation, Christophe Blanchet a évoqué le problème du manque de spécialisation des magistrats et celui de la longueur des procédures.

Pascal Faure a rappelé l’existence du réseau territorial de l’INPI et des actions de sensibilisation déjà mises en place avec des partenaires, et invité à multiplier ces partenariats.

Delphine Sarfati a présenté  les résultats de l’enquête IFOP (pour l’UNIFAB et l’INPI) sur les consommateurs français et la contrefaçon8.

Laury Pereira, assistante-chercheuse au CEIPI, est intervenue pour partager les propositions d’amélioration du régime de responsabilité des plateformes en ligne, dans le cadre du dispositif « France anti-contrefaçon », faites par le CEIPI :

  • renforcer l’identification des boutiques en ligne en créant, pour les personnes morales, une obligation d’enregistrement via une application gouvernementale de type « France Connect », et imposer aux plateformes en ligne un contrôle annuel de leur identité ;
  • généraliser l’obligation d’information du consommateur, qui utilise une plateforme d'intermédiation en vue de conclure un contrat avec un particulier ou un non-professionnel, à toutes les plateformes quelle que soit leur taille (contrairement aux dispositions actuelles du DSA), en imposant aux plus petites les obligations des plus grandes, et en les formant à ces obligations. Cette formation imposée pourrait être réalisée par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) ;
  • enfin, compte tenu de l’évolution des techniques et des pratiques de surveillance en matière de contrefaçon, consacrer l’obligation de vigilance des plateformes et étendre leur responsabilité en cas de négligence, afin de lutter plus efficacement contre la contrefaçon et la récidive.

Enfin, l’INPI a donné la parole aux douanes. Yann Ambach, chef du bureau COMINT 3, a évoqué le nouveau plan d’action national contrefaçon qui sera présenté en 2024, en réponse à une évaluation de la menace douanière réalisée fin 2022, ayant fait apparaître une intensification de la menace en matière de contrefaçon. D’où la nouvelle loi douane  2023-610 du 18 juillet 2023 qui a étendu les pouvoirs des douaniers9. Les autorités de l’UE doivent collaborer pour constituer un bouclier commun.

Dans un troisième temps de cette assemblée, la parole fut donnée à Daniel Bruquel (Philip Morris) pour une présentation du rapport 2022 sur le commerce illicite de cigarettes en France et en Europe.

La France est le leader de cigarettes contrefaisantes consommées en 2022. Une cigarette sur six est contrefaite ce qui représente, en termes d’impact économique pour l’État, une perte de trois milliards d’euros de recettes.

Les consommateurs achètent les paquets de cigarettes sur les réseaux sociaux et 60 % d’entre eux pensent acheter des produits authentiques quand ils achètent dans les réseaux parallèles. Ces faux paquets, estampillés duty free, trompent le consommateur. Les réseaux sociaux sont utilisés pour disperser ces produits sur l’ensemble du territoire où les points de deal se sont développés de manière substantielle.

Ce trafic illicite est très lucratif. Les filières utilisent les mêmes modes opératoires que le trafic de stupéfiants, avec des pouvoirs financiers et logistiques extrêmement importants.

Tout cela a un impact multidimensionnel sur la société en termes de santé publique, d’économie, de criminalité et de sécurité publique.

Cela implique de se poser des questions sur la taxation du tabac, l’information du consommateur, la priorisation de ces trafics. Il serait important que les saisies apparaissent dans les statistiques de la douane. De plus, Daniel Bruquel souhaite un engagement des réseaux sociaux pour mieux appréhender ces produits, comme ils le font avec d’autres contenus illicites. Enfin, les sanctions pénales doivent être plus fortes.

L’assemblée générale s’est terminée par un temps d’échange avec la salle.

En conclusion, Christophe Blanchet a évoqué trois axes de travail :

  • Intelligence artificielle : anticiper avant de subir. À quoi s’attendre et comment s’adapter ? ;
  • des actions de répression et de dissuasion sont nécessaires en amont et pendant les Jeux olympiques ;
  • il souhaite qu’une grande campagne de communication nationale voie le jour d’ici la fin 2024.

1 Cf . PIBD 2023, 1209, IV-1.
2  Signature d'une convention entre l'INPI et les CCE le 24 janvier 2024.
3 Cf. PIBD 2020, 1150, IV-2.
4 Cf. PIBD 2023, 1209, I-1.
5 Cf. PIBD 2021, 1163, I-1.
6 Cf. PIBD 2022, 1194, IV-1.

7 Voir aussi le site de la CPME.
8 Voir aussi le site de l’UNIFAB.