Jurisprudence
Marques

Absence de dénigrement résultant de l’envoi de lettres à des revendeurs de e-liquides argués de contrefaçon des marques FR-M et FR-K

PIBD 1213-III-3
Cass. com., 27 septembre 2023

Responsabilité - Dénigrement - Mises en demeure adressées par le titulaire des marques à des revendeurs - Absence de référence à une action en justice en cours

Validité des marques verbales de l’UE - Caractère distinctif - Désignation usuelle - Preuve - Pièces antérieures au dépôt des marques - Dénaturation des pièces par omission

Texte
Marque n° 013 134 689 de la société Gaiatrend
Marque n° 016 748 931 de M. [O]
Texte

Une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques, titulaire de deux marques de l’Union européenne FR-M, et son gérant, titulaire des marques de l’Union européenne FR4 et FR-K, ont assigné en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire une société qui produit et distribue des liquides et accessoires pour cigarettes électroniques sous les signes « FS-M », « FS-4 » et « FS-K ».

Cette dernière a fait valoir devant la cour d’appel que la société demanderesse avait commis des actes de dénigrement en adressant des lettres de mise en demeure à ses clients et a produit un exemple de ces lettres. La cour d’appel a rejeté la demande au titre du dénigrement.

Dans son pourvoi, la société poursuivie reproche à la cour d’appel d'avoir dénaturé les courriers litigieux en relevant que ceux-ci visaient à informer objectivement les revendeurs des produits incriminés de contrefaçon de ce qu'une action en justice pour contrefaçon était engagée, alors que l'exemple de lettre versé aux débats ne faisait aucune référence à l'action en contrefaçon qui avait été engagée par la société demanderesse au titre des produits incriminés.

Cependant, dès lors que les lettres, qualifiées par la société poursuivie de « mises en demeure », ne comportaient aucune référence à une action en justice en cours, c'est sans dénaturation mais par une simple maladresse de rédaction que la cour d'appel a observé qu’elles visaient à informer objectivement les revendeurs des produits incriminés de contrefaçon qu'une action en justice « était engagée », avant d'en déduire qu'elles étaient exemptes de dénigrement. Le pourvoi est rejeté sur ce point.

Pour rejeter les demandes reconventionnelles en annulation des marques FR-M et FR-K, la cour d’appel a relevé que la société poursuivie produisait des documents non datés ou indiquant des dates postérieures à l'enregistrement des signes à titre de marque puis s’est bornée à examiner des documents postérieurs à ces enregistrements. Elle en a déduit que cette société ne démontrait pas que les signes FR-M et FR-K constituaient, à la date de leur dépôt à titre de marques, la dénomination usuelle de saveur de liquides aromatiques pour cigarettes électroniques, identifiées et connues, par les professionnels du secteur, ou par le consommateur moyen des produits concernés, comme correspondant à la saveur des cigarettes « Marlboro » et « Camel ».

En statuant ainsi, alors que plusieurs documents, dont des factures, versés aux débats et spécifiquement visés par la société poursuivie dans ses écritures, mentionnaient des dates antérieures au dépôt des marques, la cour d'appel, qui a dénaturé par omission ces pièces, a violé le principe selon lequel le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

Cour de cassation, ch. com., 27 septembre 2023, 22-10.777 (M20230193)[1]
Akiva SARL c. Gaiatrend SARL et M. [P] [O]

(Cassation partielle CA Paris, pôle 5, 2e ch., 15 oct. 2021, 20/08665, M20210241, PIBD 2021, 1174, III-6 ; LEPI, mars 2022, p. 22, J-P Clavier)

 

[1] Sur le caractère éventuellement fautif d’une communication faite à des tiers sur une procédure engagée sur le fondement de droits de propriété intellectuelle ou sur une décision de justice rendue en la matière, voir également les décisions récentes suivantes : CA Paris, pôle 5, 1re ch., 1er mars 2023, Terpan SASU c. Mme [Y] [U] (Action Solidaire Développement EI) et al., 21/00558, B20230022, PIBD 2023, 1206, IIIB-1 ; TJ Paris, 3e ch., 3e sect., 25 oct. 2022, Intellectual Ventures I LLC c. Société Française du Radiotéléphone, 16/16345, B20220083, PIBD 2023, 1196, IIIB-1 Cass. com., 7 juill. 2021, Manitou BF SA c. JC Bamford Excavators Ltd, 20-16.094, B20210051, PIBD 2021, 1167-III-1. Pour une rétrospective de la jurisprudence sur ce sujet, se reporter à la note publiée sous l’arrêt d’appel : CA Paris, pôle 5, 16e ch., 3 mars 2020, Manitou B SA c. J. C. Bamford Excavators Ltd, 19/12564, B20200015, PIBD 2020, 1136-III-1, Propr. industr., oct. 2020, chron. 9, J. Larrieu.